GE
à partir de mes images des deux derniers jours, comment ne pas faire la comparaison avec ce qui nous viole les yeux sans répit depuis deux ans, avec ces corps fragiles qui résistent dans une beauté fantastique, massacrés, affamés, "animaux humains" humiliés par tout l'occident, sous l'attaque des corps techniquement et meurtrièrement parfaits, augmentés de toutes les technologies criminelles, ces corps parfaits hilares, envahis d'une joie démesurée et sale devant le spectacle des corps prétendus inférieurs, non augmentés, déchiquetés, affamés, enfermés, exterminés et dont la parole est entièrement effacée ?
je ne comprends pas cette excitation de toujours plus de puissance, de plus d'efficacité, qui n'affecte pas seulement les organisateurs et profiteurs financiers de cette sarabande infernale, mais tout autant la plupart des humains: notre beauté et notre grandeur n'est-elle pas justement d'être incomplets, non parfaits, non machiniques, et même avec l'âge de se sentir diminués ? Et de jouir justement de savoir en faire quelque chose de fort, de cette incomplétude ?
je remets à disposition la dernière reproduction du chantier final "le son"
à sa vue, je revis la fantastique joie sauvage que la musique insufflait dans mon corps, quand j'étais sur la scène ou plus tard dans les salles encombrées de corps, un souvenir rare de la joie la plus simple et la plus profonde que j'aurai pu connaître dans ma vie
et à la vue des ex votos "les corps" (reproduction hier), je ressens violemment la lente politisation et technicisation des relations entre les corps entre eux ou avec les objets ou avec le monde au cours des décennies qui ont défilé, et je ressens durement cette expulsion hors des corps de la joie simple, de l'imperfection, et l'ostracisation qui s'est installée envers les choses et les corps bêtes, étrangers, non conformes, dérangeants ou juste pas-d'accord
donc une séparation brutale, mais tout de même comme ultime tentative d'établir encore un contact
je n'ai rien à dire sur les corps considérés dans leurs spécificités sexuelles idéologiques, je dépose une paire de chantiers d'images qui pourraient dérouter les habitudes et les certitudes établies
je constate qu'au contraire du chantier photographique "le son" qui lui construit entre tous les objets, animaux ou humains des liaisons infinies et chaudes, cette paire d'ex votos marque un isolement brutal entre les corps, les parties de corps, les objets, les décors
ce n'est pas une chose que j'aurais choisie mais qui s'est faite toute seule à partir des émotions, de la politique ambiante et des matières travaillées
l'image est toujours un constat de l'état du monde ... il me semble ...