GE - Une photo par jour

Strâmtura -11 heures 20

Mémorable petit-déjeuner dans l'immense salle à manger de l'hôtel à Sighet où nous avons passé la nuit. C'est une salle de bal où sont disposées une vingtaine de tables autour desquelles se bousculent toute une flopée de chaises massives. Du plafond pleuvent des lustres dorés fichés de bougies électriques qui crachotent une lumière baveuse. Une scène dans un angle, qui ressemble à un piano à queue renversé laisse présumer qu'on fête ici des mariages, des anniversaires... A côté de la scène, trône le cul d'une machine à distribuer les billets (une ATM) qu'on a fait passer à travers une vitre découpée et qui donne sur la rue. De temps à autre on l'entend gargouiller. Dans l'angle de la salle, deux jeunes roumaines accompagnées d'un caïd, blouson cuir, clope au bec, sont affalés sur leur siège et font piailler de la musique de leur téléphone portable. Une des filles s'arrange dans un petit miroir rond.  

 

Good music ! Roumanian music est la seule chose qu'on ait pu se dire... 

 

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Belle et vivace tradition du bois sculpté dans le pays de Maramures, dans le nord de la Roumanie. De magnifiques portails en bois travaillé marquent l'entrée des maisons dont la fonction était de repousser le mal et de l'empêcher de pervertir le noyau familial. La portée symbolique de ces portails s'est au fil du temps muée en folklore avec à la longue une perte de sens même si le Maramures reste une région où les coutumes et la vie quotidienne restent fortement imbriquées. 

 

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C'est au marché d'un de ces jolis villages en bois que je rencontre X, arborant fièrement un brassard nazi. Je le prends d'abord pour un simplet, ignorant le sens de la swastika ou au pire pour un provocateur.  

 

-Hitler ! Hitler me dit-il dans un espagnol parfait, Hitler a tout nettoyé. Il a fait du bon boulot. Je l'admire pour ça. Il faudrait faire pareil ici avec les Gitans. Les flinguer... ils volent... ne travaillent pas... c'est des bons à rien... 

 

Je rêve. Me dis qu'il me mène en bateau. Mais il revient à la charge. 

 

-Aucune loi en Roumanie ne m'interdit de dire ce que je pense. Beaucoup pensent comme moi, mais personne n'ose le dire. Moi si ! 

 

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Embarquons une jeune femme qui fait de l'auto-stop. Elle aussi parle un très bon espagnol pour avoir été la garde-malade d'une riche nonagénaire pendant deux ans en Espagne. Elle a dû rentrer en Roumanie une fois la dame décédée. Institutrice, elle enseigne quelques temps, pour un salaire de 150 euros par mois, tombe malade, doit quitter son poste. La voilà en partance pour Bratislava, travaille de 8 heures du matin à minuit pour 2 euros l'heure. L'intermédiaire qui lui a trouvé le boulot en encaisse 4 sur son salaire horaire. Après deux mois, elle retombe malade, doit quitter son travail et rentre en Roumanie. Son salaire dû ne lui sera pas remis, on ne lui payera que son billet de retour.

[Francis Traunig]

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