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Francis Traunig



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Décembre 2010

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31.12.2010 - Genève - 16 heures 14

Résolutions deux mille onze :


Jouer le hasard au dé
Essayer d'embrasser un papillon en vol
Paner dans l'opium le mot amour
Apprendre à lire les nuages
Empêcher le chat d'empêcher les oiseaux de voler
Epouser un rêve et promettre fidélité
Brasser la terre avec les mains avant d'en être
Ne plus faire semblant de faire semblant sérieusement
Jouir du souffle de l'univers qui tourne sur lui-même
Jouir
Susurrer à l'oreille de l'aimée qu'elle est une cathédrale
Renouer avec la mer, mon berceau
Rouler, caillou, emporté par le courant de la rivière
Accepter le rôle de Pinocchio dans la Comédie Divine
Rire
Affûter la connaissance dans le taille-crayon de la curiosité
Donner, comme si, le la et le sol flottaient hors de portée
Jongler avec les mots et les images avec la liberté d'un phoque
Aimer

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30.12.2010 - Genève - 09 heures 14

Le voilà ! Petite moustache en guidon de vélo. Désordonnée ce matin. Yeux de furets qui cherchent le journal. Une fois repéré, il l'empoigne, s'assied à côté de sa femme déjà sur la banquette, toujours la même, salue l'entourage, met les deux mains sur le canard pour ne pas qu'il s'envole, fait un 360 sur lui-même pour accrocher la serveuse, commande, toujours la même chose, continue de parler avec un voisin tout en rejoignant sa femme dans la lecture de la feuille de chou, qu'ils épluchent à deux en continuant de babiller par intermittence.

Cette belle accoutumance aux rituels me fascine, et je me demande comment ça se traduit sexuellement?

Lit-on comment on se couche ?

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29.12.2010 - Genève - 14 heures 40

Consommer
ou être
consommé

that is the fucking question

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28.12.2010 - 28 décembre 2010

Airbus en approche au-dessus de l'aéroport International de Genève Cointrin.

...

Aujourd'hui, embrassé quelqu'un qui a embrassé J.M.G. Le Clézio.

...

Vu un loup à travers une loupe.

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27.12.2010 - Choulex 09 heures 02

?la lumière est belle, se dit-il dans sa tête, sans vraiment être porté sur les effusions, ... elle est belle parce que je vais voir Simone après dîner, elle est belle parce que la commune m'a augmenté. Les bons cantonniers courent pas les rues, et puis les jeunes c'est au bureau qu'ils veulent travailler.

Il pilonne la terre avec sa barre à mine, plante un pieu.

?tien la femme du poète - Bonjour Madame - elle a l'air si triste. On dit qu'elle va le quitter, qu'on les entend crier la nuit. L'Elise qui la coiffe aurait même confié à Margot que le poète reproche à sa femme de ne pas pouvoir écrire à cause d'elle, alors il s'emporte et la frappe. Ecrire sur les oiseaux qui piaillent et battre sa femme, quelle idée, faut-il vraiment pas aimer les gens.

?

Voilà ce que m'a raconté cette barrière, alors confidente du cantonnier en 1989, au moment de son installation

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26.12.2010 - Marchissy - 13 heures 46

-Si ça ne plaît pas, le dire.
-Oui.
-Ca te plait ?
-Non.
-Pourtant c'est fait à la main, avec du c?ur.
-Ah bon ?
-Ça te plaît vraiment pas ?
-Non, y a trop de doré.
-Bon, tant pis.

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25.12.2010 - Genève - 12 heures 38

Cependant...

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24.12.2010 - Genève - 18 heures 55

Chopin vivant sous les touches du piano.

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23.12.2010 - Genève - 18 heures 39

Le punk, motte de beurre habillée de cuir, rejette le moule des conventions en se coulant dans le moule de la révolte convenue.

En état de guerre permanent avec lui-même, enfant hypersensible en mal d'estime de soi, le punk proclame principalement son individualité par l'apparence.

C'est un aphone qui beugle : « Papa ! Maman ! Nom de Dieu ! Regardez-moi !»

Offrez votre regard à un punk, ça le fera fleurir !

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22.12.2010 - Genève - 13 heures 23

Il fait pleurer son violon...

Mais sait-il ?

Et plus loin dans les magasins qui battent leur plein, ces clients mâles sanglés dans leurs complets gris, savent-ils ?

« Je n'achète que Boss, c'est curieusement la seule marque qui me va !»

« Boss contribue à la confection des uniformes militaires du Troisième Reich, notamment ceux des SS, des Jeunesses hitlériennes et de la Wehrmacht. Pour assurer sa production, elle a recours à de la main-d'?uvre de travailleurs forcés, français et polonais pour la plupart, ainsi qu'à des déportés en camps de concentration. L'entreprise de Hugo F. Boss compte 324 ouvriers en 1944. Après la guerre, Hugo Ferdinand Boss est déclaré « opportuniste du Troisième Reich », reçoit une lourde amende de 80 000 marks et est privé de ses droits civiques. »

Les temps ont changé, Boss n'exploite plus ses employés mais contribue à relever le niveau de vie de sa nouvelle main-d'oeuvre en leur offrant un salaire de 10% supérieur au salaire moyen en vigueur dans le pays où ils ont installé leurs nouvelles unités de production.

Mais je ne me souviens plus où ils se sont implantés.

« BE BOSS, BUY BOSS ! »

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21.12.2010 - Genève - 12 heures 23

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20.12.2010 - Genève - 10 heures 32

Le déménageur emporte mon coeur chiffonné...

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19.12.2010 - Choulex - 19 heures

�un peu de fausseté :

« La préservation de l'harmonie familiale a toutefois un prix : une certaine hypocrisie ou du moins un peu de fausseté. L'Alceste de Molière qui prônait la sincérité absolue, n'était-il pas insupportable autant qu'infréquentable ? « Le projet d'être agréable aux autres et de préserver la qualité des relations impose un certain examen préalable de ce que l'on va dire et ne pas dire. On ne peut pas plaire vraiment si on dit tout ce qu'on a sur le c�ur. » Michel Lacroix auteur de Paroles toxiques, paroles bienfaisantes.


Voilà exactement, résumé, la philosophie que prône le merveilleux réseau social FACE DE BOUC.

Si un commentaire n'est pas conforme aux aspirations communautaires de la grande famille virtuelle, on clic alors sur un petit bouton en forme de guillotine qui s'appelle SIGNALER.


SIGNALER !

Comme Signal, tu te souviens pas, Marc, de Signal, hein ? T'étais pas né, moi non plus d'ailleurs. C'est vrai qu'être en flux tendu avec la vie, ne permet pas de s'intéresser à celle d'avant. Le passé c'est ringard.

Manque de place dans le disque dur de nos neurones.

C'est Goebbels - non Goebbels n'est pas un joueur de tennis, Marc, Goebbels était le ministre de la propagande d'Adolf - Goebbels qui a créé Signal - le magazine de propagande de la grande famille National Socialiste.

Amalgame stupide ? Oui !

Mais je voulais quand même te le SIGNALER.

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18.12.2010 - Athenaz - 19 heures 30

Père et fils.

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17.12.2010 - Genève - 10 heures 59

-C'est beau, c'est trop beau la neige !

Je ne peux m'empêcher de voir chez ce quinquagénaire joyeux, l'enfant de six ans en train de jouer dans le préau.

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16.12.2010 - Genève - 17 heures 01

-Je vais me faire tatouer les côtés

-Quels côtés?

-Les flancs...

-Ça ne vous fait pas rire?

-Non

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15.12.2010 - Genève - 12 heures 24

Savoir être généreux avec l'invisible pour qu'il le soit avec nous.

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14.12.2010 - Zurich - 10 heures 57

Et si tout n'avait été qu'un rêve...

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13.12.2010 - Rangoon - 16 heures 17

Elle est le qui vive
Le grillon qui stridule

J'ai le goût de son c?ur sur le bout de la langue

?


« Would you like something to drink Sir ? Sir ? »


L'hôtesse m'arrache à ma rêverie, dix mille mètres au-dessus du golfe du Bengale.

Je ne peux me défaire de la troublante gravité d'Amira lorsqu'elle me remit, juste avant mon départ, une enveloppe adressée à une P.O. Box en Suède - me faisant promettre de la poster immédiatement à mon arrivée à Zurich. Me revient notre conversation (dans un Starbucks - moi qui ai juré de n'y jamais mettre les pieds) au sujet de Wikileaks. Je lui fis savoir que je me méfiais des médias, de leurs croisades au nom de la transparence. Que n'importe qui, aujourd'hui pouvait produire de l'information et la diffuser sur le net. Bref que rien, même oblitéré par de vertueux journaux, ne garantissait l'authenticité d'une source. La CIA elle-même, pouvait manipuler Julian Assange, lui fournir des documents tronqués et tous nous rouler dans la farine?

« With ice, the Bitter Lemon ? »

« No thanks ! » la glace m'attend chez moi, me murmure-je à moi-même.

Je replonge alors dans l'édition du New York Times achetée à l'aéroport et relis une seconde fois l'article qui m'a complètement tourneboulé :

« La Birmanie serait en train de construire secrètement, en pleine jungle, une installation destinée à la fabrication d'armes nucléaires, avec l'aide et la collaboration de la Corée du Nord. L'ambassade américaine à Rangoun s'en doute depuis le début des années 2000. C'est ce que révèlent des notes diplomatiques américaines diffusées par WikiLeaks et publiées jeudi à Londres.

Selon les télégrammes, le régime de Pyongyang aurait envoyé ses conseillers aider des ouvriers birmans à bâtir un complexe souterrain en béton armé mesurant 152 mètres de long. Un homme d'affaires étranger cité dans l'une des notes affirme avoir vu une barre d'acier renforcé, trop large pour un usage industriel habituel, chargée dans une barge sur le fleuve Irrawaddy. Il fait état de nombreuses rumeurs relatant la construction d'un réacteur nucléaire. » sources Reuters, NYC T. reprises par le Figaro

Mais le plus bouleversant est l'image qui illustre l'article. Derrière une haie d'officiers supérieurs, de généraux garnis comme des sapins de Noël, se tient, souriant, en civil, Zaven?

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12.12.2010 - Kyaukpadaung - 09 heures48

Je trimballe un chapelet de comiques désillusions glanées ces derniers jours, trop occupé à survoler les espaces plutôt qu'à les laisser m'investir. Voyager n'est pas affaire de lointains, de paysages et d'espaces traversés, sinon la révélation qu'on est de partout, que le soleil toujours se lève où qu'on soit, que si on va à l'Est on restera toujours à l'Est de quelque part?

Si on voyage comme une valise, mieux faire le tour du monde à vélo d'appartement.

Non, le vrai voyage, le seul, c'est l'Autre? C'est l'Autre qui me révèle, il faut que j'apprenne le birman, vite?

Voilà ce que j'ai découvert, en route, sur ma bicyclette.

?.

Failli oublier que la junte jugule, ici. Qu'un troupeau de crapules s'en fout plein les coffres, que les pauvres ne peuvent s'indigner qu'aux chiottes, que partout ailleurs ont les réprime. Pense à Zaven resté à Rangoon. Il est forcément compromis avec la dictature militaire, je m'en rends compte un peu tardivement.

« Zaven, who are you ? Please, tell me the truth ! »

Voilà ce que je vais lui demander, avant de reprendre l'avion à Rangoon, qu'il me dise la vérité, merde, la vérité ! Je ne veux plus vivre dans le mensonge, dans l'illusion, dans la fiction. Mais qu'est-ce que la vérité ? Qu'est-ce que le réel ? Ne plus se raconter d'histoires, embellir, ne plus envelopper mes rencontres dans le papier cadeau de la fabulation, ne plus rajouter de la netteté avec Photoshop, ne plus saturer un ciel un peu pâle, ne plus mentir. Mais oui, l'image est un mensonge vaniteux, une prothèse à produire de la mythologie, la brosse à reluire de l'orgueil. « Regardez, regardez comme j'étais près du tigre, regardez comme je me vautre dans le bain mousse du bonheur, comme je conquiers : les regards, les sommets, les femmes, proclament à chaque fois l'image. C'est léger, c'est futile, c'est faible la photographie. De surcroît, et c'est ça le pire, le plus grave, le plus affligeant : Cadrer c'est exclure. Cadrer c'est rejeter. Rejeter le reste du monde.

Pauvre. Pauvre photographie !

Au plus fort de ces tortueuses réflexions - je suis assis sur un bord de route, sous un manguier - explose un fracas abominable au-dessus de moi. Le ciel s'ouvre en deux comme une femme qui accouche et déverse le fruit de ses entrailles sur le monde.

Le réel, ouf, me fesse, me rappelle à lui. Sonné et mouillé comme un nouveau né, je pousse un cri joyeux, me remets en route?

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11.12.2010 - Vallée de Pagan -18 heures 33

Dans la vallée de Pagan, jetés comme une brassée de dés d'or par une main divine, une kyrielle de temples bouddhistes tendent leurs clochetons vers les azurs. C'est marrant comme dans toutes les cultures, l'architecture au service du spirituel a toujours été verticale. C'est toujours vers en haut qu'on force le regard du vermisseau - vermisseau que je suis, natürlich (beaucoup d'allemand par ici !). L'ampleur de la cathédrale de Séville, par exemple, l'altitude de ses voûtes nous fait immédiatement prendre la mesure de notre petitesse. Les catholiques m'auront enseigné qu'il n'y a pas de pouvoirs sans mises en scènes.

?



Ca s'active dru autour des temples et de petites calèches déversent des cargaisons d'assoiffés d'exotisme et de paysages immémoriaux, d'assoiffés tout court - il fait un bon 35 degrés aujourd'hui - d'assoiffés en transhumances touristiques, Leica et Nikon suspendus en cloches de vaches autour des cous, inélégants, moches et mal fagotés qui ne se saluent même pas, pourtant membres de la même et grande tribu du Lonely Planet.


Une allemande, la quarantaine, qui pavane sa poitrine conquérante sanglée dans un gilet mutlipoches kaki, s'insurge alors qu'elle pointe son objectif vers l'horizon :

-Was ? Qu'est ce que vous voulez? ?

-Moi, manger, faim, dit une Birmane qui tend un colifichet triste à la touriste, buy please, buy, me children, hungry children?

-Nein, nein?Et qui s'inquiète de moi ? Hein ? Qui s'inquiète des mes problèmes de surpoids, hein? ? qui? ?

Marmonne-t-elle auf deutsch sans se douter que je speak l'allemand?Ach Gott !

...et recolle l'?il contre le viseur de son Nikon pour vite jouir de la lumière qui déjà décline.

Et laisser nos capteurs accrocher les lambeaux de ce que nous avons cru être réel.

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10.12.2010 - Whabalaukthauk - 14 heures 22

Les contorsions de l'instinct de survie :

?dénicher un bol de riz, chercher un travail, arnaquer un naïf, vendre son corps pour le plaisir d'un autre, se faire flic, ou mieux soldat, faire carrière dans la banque - si on peut - fouiller les poubelles, vendre des gris-gris, du rêve, des cailloux, du vent, ou alors, simplement fumer un cheerot, le cigare du pauvre:

Deux grands-mères, aveugles, fument toute la journée à l'entrée d'un temple. Les touristes éblouis par cette très photogénique incongruité en perdent la boule, exultent, s'excitent entre eux, se rapprochent bafouillants : « Photo ! Photo !?Yes ? Yes ! ». C'est la dignité des deux vieilles, sûrement parce qu'aveugles, qui force les touristes à ce sursaut de politesse. « Oh yes, yes? » et clic et claque, Zipp et Vlan et Chlokk. Alors bien sûr, lorsque les pièces tintinnabulent dans les sébiles, les deux grand-mères crachent leurs nuages de fumées comme de veilles locomotives, et tout le monde est content.

Un peu plus loin, accoté au temple, un homme surveille tout ce cirque avec un beau sourire carnassier. Probablement l'imprésario des deux grand-mères.

Alors voilà, moi aussi je fais la queue, ne suis pas dupe, non, mais vais-je photographier comme les autres ? J'hésite. Cette image vaut-elle le prix à payer, pas en pièces de monnaie bien sûr, mais en contradictions avec ses idées de dignité. Merde. Dilemme. Je donne d'abord une pièce sans faire d'image. Puis me ravise, me replace dans la queue, fais une image sans donner de pièce, mais le bel imprésario me lance, injonctif : « Money, give money? ». Alors comme un con je give money, et comme un con, queue entre les jambes je détale en souhaitant être ailleurs mais un rire puissant, qui provoque simultanément celui des deux grand-mères, me fait me retourner :

« Thank you ! Thank you very much ! » me lancent-ils tous en ch?ur?

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09.12.2010 - Letkokkon - 13 heures 16

Letkokkon. Visite d'une usine textile tenue par un ami Birman de Zaven. Dans un immense hall, au milieu d'un vacarme assourdissant, travaillent des centaines de personnes, toutes générations confondues. Des étagères remplies de boîtes d'étiquettes de marques prestigieuses attendent d'être cousues dans des morceaux de chiffons désarticulés. Je ne peux m'empêcher de penser à X. qui, une semaine auparavant, me montre « une superbe affaire », un veston payé 50 euros, « ?j'en ai acheté quatre, qu'est ce que t'en penses ? pourquoi on trouve pas ce genre de truc à Genève ? non mais t'es d'accord ? regarde la coupe me va, elle me va, non ? ». X qui ne jure pourtant que par la qualité et pavane son statut social en Mercedes, défend avec force d'arguments le commerce de proximité. En fait, X ne voit pas plus loin que son intérêt, se fout comme d'une guigne de la provenance de ce qu'il consomme, de qui produit, de comment c'est produit. Faire une bonne affaire est son leitmotiv, aller se servir dans les magasins d'usines, c'est se persuader qu'on est un peu moins cons que ceux qui payent plein pot.

...

Des gargotes multicolores sur le point de s'effondrer proposent des poissons aux formes étranges.

...

En fixant longuement la mer lécher le sable avec sa langue râpeuse, je suis soudainement débordé par la nostalgie : la neige me manque - moi qui rêvait de paysages polychromes je me surprends, sans raisons particulières, à penser à Rougemont, à sa magnifique église et à son château - les aiguilleurs du ciel sont en grève et c'est la gabegie dans l'espace aérien de ma tête? Je ne sais plus si je rêve, ne sais plus où je suis, je plonge alors dans l'écume et lessive les odeurs de Rangoon dans l'eau chaude et fais fondre mon désir de neige?.

?

Acheté un vélo, m'élance sur la route, slalome entre nids de poules, qui sont parfois des cratères lunaires, et les cadavres d'animaux - écrasé par mégarde un chien mort - les camions, balles de revolver, me frôlent à la vitesse de TGV. Un casque serait aussi inutile ici qu'une carte de crédit dans la jungle en Papouasie.

?.

Femme sur la route à bicyclette avec une charge énorme sur la tête. Fébrile, je dégaine mon appareil, lâche le guidon, déclenche et me casse la figure dans un massif de fleurs qui borde un talus. Mais je tiens mon image? La femme que j'ai photographié n'a rien remarqué, elle continue impassible son chemin? et moi le mien avec l'image d'un moment qui n'aurait peut-être jamais existé si je m'étais attardé un peu plus, ailleurs, avant...

Etre là ou ailleurs, qu'importe, c'est lâcher le guidon plus souvent qu'il faut - pour mettre le nez dans les fleurs.

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08.12.2010 - Rangoon - 08 heures 47

34 degrés ! Aux abords du palais Karaweik près du lac Kandawgyi, une cinquantaine de marmots de quatre à six ans, en course d'école sans doute, chantent en ch?ur, en colonne par deux, au pas, en suivant leur maîtresse - qui a plutôt des airs d'adjudant.

Un chien passe, tient dans sa gueule une poule vivante qui proteste.

Une haleine de goudron, de fruits pourris et de mazout, m'imprègne, m'enveloppe, je ne sais plus si ce sont mes tripes qui exhalent ce que je respire où si c'est Rangoon tout entière qui m'infiltre.

Hélicoptère dans le ciel, tchok, tchok, coupe l'air chaud en lamelles qui rebondit sur les toits de la ville pour finir de dégouliner sous mes aisselles.

Je loge chez Zaven, près du lac Kandawgi, dans une somptueuse maison coloniale. Le personnel dévoué à l'excès, semble sortir d'un casting Bollywood. Je désamorce ces overdoses de prévenances en enfourchant un vélo pour partir explorer la ville avec mon appareil photo.

Portrait d'Amira.

Demain, je quitte Rangoon pour Letkokkon au sud-ouest, en bord de mer.

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07.12.2010 - Yangon - 06 heures 55

Long vol sans encombres - plus de 12 heures, quelques turbulences au levé du jour - passionnantes discussions avec un commerçant arménien, charmant et séducteur - Zaven, est son nom - qui me propose de partager la voiture qui l'attend à l'aéroport de Rangoon. Après des formalités douanières que Zaven a transformé en partie de rigolades, au milieu du formidable chaos de l'arrivée, une limousine noire nous attend. Une jeune femme, empanachée d'un vêtement de coton couleur abricot, d'une élégance inattendue s'installe au volant, sourit et démarre. Zaven et la jeune femme ont une conversation que j'écoute distraitement, tout étourdi par la vitesse avec laquelle j'ai été propulsé dans cette nouvelle réalité - en si peu de temps. Zaven décide de m'héberger chez lui, sans me laisser ni même protester. Je pense à la phrase de Brel : « Le plus dur ce n'est pas d'aller en Chine mais de faire le premier pas pour sortir de Vesoul ».

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06.12.2010 - Genève - 12 heures 55

Comment lutter contre la monochromie ?

Peindre la neige en couleur?

Se retirer en soi?

Foutre le camp?

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05.12.2010 - Marchissy - 15 heures 16

Boules-miroir de discothèque, suspendue au plafond du souvenir.

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04.12.2010 - .....18 heures 42

"Ainsi, personne ne vit sa propre réalité, mais seulement sa fonction sans faire l'expérience existentielle de sa vie, c'est-à-dire vivre son propre destin, qui pourrait être l'objet d'un travail sur soi-même..."

Kertész


Mais n'est-ce pas le courage qui manque pour passer du verbe aux actes?

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03.12.2010 - Genève - 10 heures 12

La neige épouse ce qui l'accueille mais très vite renonce à la réalité de son existence pour fuir. Et c'est l'âme des flocons qu'on entend murmurer dans les caniveaux.

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02.12.2010 - Choulex - 22 heures

sous l'avalanche des évènements du jour
palpite l'imprévu
puissant taureau fulminant
mis à mort par un parapluie

https://objets.netopera.ch/upj_traunig/upj_traunig1647_g2.jpg

01.12.2010 - Cologny - 07 heures 09

Mais où sont les mésanges, les libellules et les blaireaux ?

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