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En circonflexe à vélo sur le trottoir, un appareil réflexe autour du cou, elle s'arrête tous les dix mètres, se déplie sans descendre de sa monture et photographie, à mains levées, les immeubles d'en face. Elle s'arrête devant moi : le circonflexe se fait point d'exclamation et recommence sans me voir. Je ne me gêne pas et la pixellise.
" Qu'est-ce que vous faites ? " Que je lui demande pour que sa surprise ne devienne pas fâcherie.
" Je fais une série de photos sur les fenêtres d'immeubles - Réplique-t-elle - Et vous ? ".
"Moi ? Je fais une série sur des photographes qui photographient des fenêtres d'immeubles".
?alors, plus haut que le plus haut des cèdres qui se tenait sur la pointe des pieds et tendait ses bras vers le ciel, suspendus par des fils invisibles, dix rapaces tournoyants se moquaient comme d'une guigne de nos rêves charriés par le sang vers nos extrémités?
Spermatozoïde helvétique en déshérence, alors qu'il pourchassait le bonheur, est renversé par une voiture?
Le Rhin, double chute.
L'inénarrable fécondé par le pollen des fleurs sourit au soleil.
La petite doit avoir dix ans, pas plus, slalome à bicyclette sur l'étroite route de campagne juste devant moi. Sa mère, qui paraît inquiète, lui prodigue moult conseils comme si c'était sa première sortie à vélo. « Tut, tut?attention ! » et voilà le dialogue engagé, les vélos à l'arrêt. La maman me confie, tout de go, que sa fille vient de percuter une Harley Davidson béquillée à l'entrée d'un jardin et que le monstre lui est tombé dessus. Le propriétaire furieux a dégagé la fillette, qui, heureusement, n'a pas cabossé la moto. Elle a dû l'amortir dans sa chute.
Comme quoi, la moto, même à l'arrêt c'est dangereux.
Comme quoi, un motard, même piéton ça peut-être con.
« Cent mille peut-être? j'en sais rien mais j'photographie tout ce que je vois? mon fils après stock mes images sur des disques? ce que j'aime, c'est prendre des images avec mon téléphone?. j'adore photographier ma voiture? au boulot, tu sais bien, je suis chauffeur? quand j'roule je fais plein de photos? j'aime ça? salut ! »
Râcler sa truffe contre les angles humides des immeubles, battre de la queue quand un sucre vous est promis, chier sans vergogne, pisser en même temps, n'importe où, n'importe quand, mordre les gens en uniformes, s'étaler de tous ses poils sur un trottoir aux pieds d'une prostituée et regarder vibrer la lumière dans les diamants de ses chaussures ? oui, j'envie parfois la vie des chiens.
Le regard embué par les vapeurs fumantes du génocide hormonal que subissent neuf sexagénaires sur dix, X (un ami proche, père de famille dévoué) me raconte sa rencontre avec une jeune Lilith dans un club sado maso New Yorkais alors qu'il y accompagnait, par curiosité désinvolte, son fils et quelques uns de ses amis.
« Une jeune et belle femme voit mon appareil autour du cou et me demande si ça me ferait plaisir qu'elle pose nue pour moi. Mon instinct de photographe ne fait qu'un tour sur lui-même, me fait dire oui.
Depuis que X m'a raconté cette histoire, attestée par une image de cette belle Lilith, je ne quitte plus mon Canon que je fait pendre autour de mon cou comme une cloche de vache?
?pensant tailler dans le gras de la journée une belle tranche de couleurs dégoulinantes pour la faire frire sur l'écran de mon HP, me voilà, nez en l'air, démuni sous un cerisier en fleurs, l'appareil photo en berne. Je vois alors un croissant de lune me faire signe à travers la neige des fleurs. Me dégage : un pas en arrière, et suspends la lune au bout d'une des branches de l'arbre. Et zip, c'est flou. Je recommence. Ajuste, me reprends. Je la tiens ! Elle se balance. Je déclenche, jubile et baisse la garde en lui disant : « Je t'ai eue ! Je t'ai accrochée à la branche du cerisier ! ». A ce moment même, entre ?isier et le point d'exclamation, entre la lune et la cime de l'arbre, entre la pulsation d'un instant et celui qu'il faut au suivant pour reprendre son souffle, glisse dans ces entre-deux, avec ses ailes en lame de couteau, un héron cendré silencieux.
La vérité ? Quelle vérité ? Peut-être est-ce parce que nous ne supportons pas le vide que nous le remplissons de sens ?
Entre Berne et Genève, les aventures extraordinaires de Pierre sur son vélo électrique.
Entre Poulenc et Bartok, pour deux marimbas et piano : Les Aventures extraordinaires de Balthazar d'Yves Meylan.
"coulures pertes rigueur
abandon
impatiences
tensions
repentirs
une forme cherche
à naître
hésite s'affirme
cède au doute
s'altère
se structure?."
Charles Juliet (Rencontres avec Bram Van Velde)
Charles Juliet consacré par la fondation Bodmer, célébré par un mécène généreux.
?Yeeeehh! Faut déconner, faut déconner, Yeeeep!!!
Déconnons!
Youhou!!!!
Yep!
C'est la fêêêête?
Blurp!
Merde c'est déjà presque minuit.
? on m'a arrêté hier, je roulais sur une piste cyclable à moto. Une voiture de police me pourchasse sur le pont du Mont-Blanc, à contresens, me coince à la hauteur de l'église anglaise. On me fait enlever mon casque, me réclame papiers, etc. Sanglé dans ses attributs, jambes écartées, un de mes deux poursuivants, méfiant comme un chien, me renifle et dit :
-Sortez votre main de la poche !
Imperceptiblement, je m'avance vers lui. Lui, recule. Joli mouvement de danse contemporaine. Il réitère :
-La main de la poche !
-Pourquoi la main de la poche ? M'interloque-je.
-Parce que je ne vous connais pas.
Me lance le poulet qui peut-être simplement voulais me la serrer, la main.
Foutre?