Genève - 10 heures 17
Il s'appelait Robert et, petit, avait peur des fantômes. Plus tard, vers l'adolescence, c'est les filles qui lui faisaient peur. Ensuite, au travail, il a toujours eu peur de se faire licencier. Plus tard, autour de la cinquantaine, c'est les maladies qui lui faisaient peur, le cancer de la prostate surtout, qui avait emporté son père. La peur de l'ennui le gagna vers la mi-soixantaine et le plongea dans la dépression. Son désir le quitta comme un pneu qui se dégonfle. Mais la peur de la mort lui redonna du mordant. Souvent il était fâché contre le monde. Il disait : « Tout fout le camp, j'aimerais pas avoir vingt ans aujourd'hui... De toute façon le sexe n'est plus qu'une question de syntaxe pour moi... » et faisait rire son auditoire, sauf sa femme qui déjà depuis longtemps ne l'écoutait plus. Puis il mourut un jour avec le goût de la peur au fond de la bouche qui l'étouffa comme s'il avait avalé un os trop gros.
Maintenant Robert fait rire. S'il avait su ça, probablement qu'il aurait été par moment un peu plus joyeux.