GE - Une photo par jour

La môme italo Deluxe

Je vous avais parlé d'elle il y a presque deux ans, une descente en stop m'avait en quelque sorte téléscopé avec cette splendide meuf Deluxe, et je n'aurais jamais pensé la revoir. J'avais même joué avec l'illusion que j'étais bien content d'être débarrassé d'elle ! 

Mais les choses des humains ne sont pas si simples, comme ils disent à la télé. Donc, à peine une trentaine de jours plus tard, j'en étais déjà venu au constat consternant que je n'avais pas cessé de penser à elle. 

Dites ! Vous avez déjà tenté de retrouver une fille dont vous ne savez même pas le nom, ni le lieu où elle crèche, alors que vous n'avez même pas pensé à lorgner sa plaque "minéralogique" comme ils disent lorsqu'elle vous a plaqué sur une bretelle d'autoroute ! 

 

Sur le moment j'avais vaguement pensé qu'elle descendait faire un p'tit coucou rapidos aux soeurs de sa grand mère et autres tontons, dans son village primitif où tous font du vélo et admirent dur la voiture de son patron: j'imaginais que c'était pour ça qu'elle descendrait même pas de derrière ses vitres teintées. 

Cette version n'a pas duré plus que le temps qu'il m'a fallu pour trouver une station d'essence, à 500 mètres de la bretelle d'autoroute, et obtenir une canette de coca contre dix vieux dollars zambiens. 

Ensuite la vie a été dure. Les jours de déprime, je la rotais dur, et je me disais: peut-être qu'elle écrit un roman à la mode... à moins que ça soit une réponse au "Parerga et Paralipomena" de Schopenhauer... et sûr qu'elle va devenir une star. Je la verrai peut-être sans arrêt à la télé et les videurs me foutront à la porte quand j'essaierai d'entrer sur les plateaux où elle se pavanera. 

 

 

 

Ou alors quand je lui en voulais vraiment, je disais à ma concierge: "Je crois bien qu'elle est repartie en arrière dans le temps, qu'elle est à Berlin et qu'un sale mec de la Stasi est continuellement après elle, sans même se cacher. Je crois qu'elle est dans de sales draps !" Et ma concierge me disais que j'étais un pessimiste, qu'elle allait revenir... et toutes sortes de trucs crétins dans le style (ma concierge est une optimiste !) 

 

Vise un peu le mec de la Stasi s'il est craignios ! 

 

 

 

Ou alors elle était pas du tout remontée nulle part, ni dans le temps ni dans mon estime, et elle essayait de se faire un look d'étudiante branchée et légèrement révoltée dans les manifs du premier mai (toujours à Berlin), mais elle arrivait pas à comprendre qu'avec sa caisse de ministre, ça la faisait pas du tout ! elle aurait dû la poser vers 7 heures du mat et venir à pied comme tout le monde. 

C'est du moins ce que je me racontais quand j'avais réussi à vendre une dizaine de machines à tirer le lait à des mamies du quartier et que j'avais bien 200 marks tout frais devant moi, et que je pouvais au moins un peu frimer. 

 

 

 

Bon et y faut le reconnaître, y a aussi des jours romantiques: je me posais à une terrasse, je commandais un thé de cynorrhodon et je l'imaginais roulant béatement dans une plaine infinie par un jour de soleil, remuant à peine des pensées agréables (pour elle mais peut-être pas pour moi), et ça n'en finissait pas - un thé de cynorrhodon ça peut durer au bas mot une heure et demie, de toute façon c'est dégueulasse. 

(tu remarqueras que fâchée, heureuse, esseulée ou en bonne compagnie, elle a toujours la même gueule ! t'as qu'à regarder bien les photos, tu verras que j'dis pas de conneries !) 

 

 

 

Y a bien sûr des jours où elle donnait dans le social, comme tout le monde, parcourant la ville dans une camionnette rassurante pour dénicher les pauvres glandus sans logis et leur apporter le réconfort d'un thé de cynorrhodon... 

Bon ! celle-là, laisse tomber ! 

 

 

 

Mais les jours où tout allait super bien, le moral dans l'auréole, j'entendais sa voiture ralentir avec un doux chuintement au coin de la rue et s'arrêter en double file. Alors mon copain Khaled courait à la buvette et revenait avec son grand sourire et un gros sirop de grenadine (pas très class le verre de grenadine entre les dents, je le lui ai déjà souvent dit pourtant)...  

Alors là, est-ce qu'elle sortait de la caisse Deluxe, ou est-ce qu'elle repartait avec un chuintement aussi doux qu'à l'arrivée, ça dépendait des versions... 

 

 

 

Y a même un crétin qui m'a fait toute une théorie, au bar des Trois faisans (pourtant on n'était que deux !): "Peut-être qu'elle vit en Slovénie, qu'elle a des amis russes très riches qui roulent dans de vieilles Lada par snobisme, et elle n'a besoin de rien faire de ses journées, sauf sortir acheter quelques malheureux habits, et le vendredi une pâtisserie, mais une seule hein ! rien qu'une seule !" 

 

 

 

 

Ce jour-là j'ai décidé qu'il fallait agir et j'ai contacté mes copains flics, brancardiers et chauffeurs de bus. 

 

Bon je crois bien que là on a bouclé la boucle. 

 

"Vous êtes priés de ne pas oublier de rallumer vos portables à la fin du spectacle, merci. Et si jamais, oubliez pas de lui dire..."

[Max Jacot]

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