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Bouc

On l'appelle Bouc, ou le Bouc, et c'est une petite célébrité dans le voisinage. Je le retrouve régulièrement le samedi midi au “Vins des Rues”, son quartier général depuis des lustres, en compagnie de quelques autres fidèles amis de son espèce. La bonne humeur est de mise et les libations succèdent aux libations à un rythme accéléré avant de nous attabler, un peu étourdis, pour goûter l'excellente cuisine du lieu. Les bons mots fusent et nous refaisons le monde dans un foisonnement de rhétorique heureuse…  

 

Le Bouc est aimable et débonnaire quand il n'a pas trop bu, mais comme il boit souvent beaucoup, il vaut mieux ne pas trop le contrarier si vous n'êtes pas son ami (et même si vous l'êtes d'ailleurs)… Buveur au long cours, Bouc a longtemps exercé la profession de pêcheur du même nom. Il partait sur les océans des semaines durant et revenait invariablement dilapider sa paye dans les rades de Brest en compagnie de quelques jeunes femmes un peu vénales et accessoirement très vénériennes… Il y a du Cendras et du Mac Orlan dans Bouc et la bourlingue est un terme qui lui colle à la peau. C'est un personnage à l'ancienne, du temps où l'authenticité n'était pas un vain mot. 

 

Aujourd'hui, Bouc est à la retraire et vient de perdre une partie de ses petites économies maladroitement placées en bourse. Il s'en fout un peu, le Bouc, tant qu'il a sa gamelle et son gobelet, mais ça ne l'a pas empêché de décocher quelques noms d'oiseaux choisis à nos grands manitous de la finance qui ont précipité le monde dans un gouffre sans fond…

[David Séchan]

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