GE
pour la mort de la musique
[trajet des musiques violeuses dans des millions de corps obéissants]
le visage enfoui dans les herbes
deuil pour les enfants aux âmes trafiquées par les images et les musiques mensongères
[eurovision - trajet des images violeuses dans des millions de corps obéissants]
repas avec des amis dans un restaurant de quartier
puis montée dans l'appartement d'un des compères
moi qui n'ai plus été forcé de faire face à un écran allumé de télévision depuis des années
me retrouve cul par terre à regarder "eurovision"
je m'accroche un moment par amitié et contemple
le défilé interminable des musiques dont je n'arrive pas à repérer les différences
mises bout à bout par tranches de 10 secondes, ça fait comme une seule chanson
mêmes sonorités, mêmes harmonies, mêmes voix artificiellement émotionnées
la réalisation d'un goût rosâtre et vomitif
à coups d'effets et de trucages
pour donner l'impression "divine" d'être dans une salle longue comme 50 terrains de football
visages aux sourires faux
faux sentimentaux - faux punks - faux durs
faux musiciens
parodies de corps sexys
puis le comptage interminable des points
avec des gourdes tendant leurs gros seins à la caméra
et prononçant le fatidique
"twelve points for?"
et là, selon un scénario appris par coeur, à prétention de suspense
sans la moindre vie sur le visage
trois secondes d'arrêt figé inexpressif
avant l'énoncé du pays bénéficiaire
« GERMANY »
à côté de moi, un type hurle à chaque point gagné par son pays
mon oreille explose à chaque coup
et mon âme se liquéfie de douleur
à l'idée des millions de téléspectateurs bavant devant leurs écrans
en ayant terminé avec la bière offerte par l'ami
elle qui m'a pour l'instant permis de survivre
je m'en vais
et pleure dans la rue
dans la nuit de ma maison
je ne peux que porter le deuil
d'une humanité qui pourrait avoir un sens ou une âme
[trajet des images violeuses dans des millions de corps obéissants]
le trajet d'une image entrant dans mon corps par un matin de mai 2010
ça c'est une chose à dire !
son cheminement entre le beau, le faux, le chatouillement intérieur?
la colère, ou le merci à l'auteur, le rire?
ICI:
fleur est-elle égale à beauté ?
moi, j'y vois jeu - est-elle un déguisement de gamine ?
est-elle le chapeau du monsieur ?
qui pourrait être chauffeur de Cadillac, semble-t-il?
et la ville ? comment ose-t-on la faire si petite ?
Ah ! l'insolente !
merci
[25 mai 2010 - citation Elise Grandjean - 13h14]
la somme infinie de tous ces petits bonheurs google-earthiens
confortables et satisfaits, excessivement nets et saturés
se soustrait de la force de vie disponible dans l'humanité
celle qui affronte le réel, la douleur, la violence et la mort
mais la fuite est si douce?
j'avais préféré "Le bonheur dans le crime"
lu dans ma jeunesse
ou "Le devoir de violence" de Iambo Ouologuem
ou "La littérature et le mal"
tous relus de nombreuses fois
et je me tiens sans faillir à mes amours d'antan
mais qui donc désire encore autre chose que
toujours plus de technologie ?
la technologie étant l'ultime mièvrerie
la dernière fuite devant le réel
avant l'effacement pur et simple? pfuitt !!!
fuir devant le réel avec
le cheval ami de l'homme - le cygne sublimement élégant
l'avion si rapide et si bon marché par easyjet
l'ours pelucheux - le chaton douceâtre - le chien affectueux
le 4x4 martelant les fantasmes de puissance de son maître
mais la fuite est si douce?
tout le monde va admirer les peintures de Vincent V.G
j'ai vu des queues de centaines de mètres dès le matin à Amsterdam
et pourtant, Vincent fut un terroriste de la matière et de la couleur
aujourd'hui il serait
un Ben Laden de la vidéo
un Rom répugnant dessinant à la craie sur vos trottoirs que vous aimeriez si propres
un adolescent collant sur vos murs si précieux des affiches sauvages
un personnage trop bruyant déclamant ses incivilités théâtrales à vos oreilles trop sensibles
mais Monsieur Van Gogh fut anobli par l'hystérie médiatique, par la messe touristique, par la reconnaissance du marché
la plupart de ceux qui vont lui faire leur révérence posthume
haïssent tous les vincents d'aujourd'hui
les crayeurs, les sprayeurs, les sauvages afficheurs, les bruyants, les mutileurs de propre oreille
et exigeraient volontiers de les enfermer, de les kärchériser, de les bourrer de pillules, de les empêcher d'agir et de déranger? bref ? de les tuer
en attendant que l'un d'eux, reconnu posthumement par le marché, voie depuis l'enfer ses oeuvres achetées à prix d'or par les snobs et les banquiers
alors l'hystérie messianique médiatique pourra à nouveau prendre son essor majestueux pendant qu'on castrera les prochains vincents
aujourd'hui, Monsieur Van Gogh n'est plus rien qu'un support publicitaire du mensonge
je n'irai jamais au musée V.G.
quand quelque chose est créé
c'est le réel qui est regardé autrement
la pensée est appelée à réagir à ce réel différent
puis, quand la pensée s'est habituée
aidée par la reconnaissance collective
facilitée par la répétition médiatique
renforcée par le prix du marché ?
alors le réel tombe dans le beau
il n'y a plus d'effort
plus aucune "création" à la lecture de l'oeuvre
ça roule et ça se consomme
ça ne crée plus de sens !
le centre d'une chose créée ne devrait-il pas toujours être un vide ?
ou peut-être une présence trop évidente pour être vraie ?
de façon à créer le vide dans le dos du spectateur
et toujours déployer?
déployer l'incertitude et l'hésitation
qui sont les racines de la pensée
aussi une façon de te dire?
que je t'estime, que j'aimerais t'offrir ce "contexte"
que je t'estime mieux
que les sérieux confortables, les managers, les politiciens
toi qui es descendue dans le réel, là où ça cogne !
[vie et "action" symbolique d'une image entrant dans une société comme une trottinette dans un camion]
la couleur est-elle burlesque ?
l'informatique peut-elle être gaie ?
quelles relations entre l'image technologique
et la confiture ?
avec la surface de sucre rose des mille-feuilles?
[vie et fonctionnement d'une image entrant dans un corps à un certain moment de l'histoire]
une image peut engendrer une "action" symbolique
redonner du contexte ?
réinterpréter un geste ?
pervertir l'espace de référence ?
pourquoi l'image devrait-elle être seulement belle?
belle et stupide à la fois ?
[vie et fonctionnement d'une image entrant dans un corps à un certain moment de l'histoire]
le centre d'une chose créée ne devrait-il pas toujours être un vide - une imprécision ?
et provoquer à se déployer la pensée de celui qui fait face ?
mais le sens et la fonction intérieure, l'outil
utilité quotidienne des choses créées
pas la distraction, pas l'esthétique, ni le divertissement
le rire me sert mieux, jette dans le corps des étincelles de vie
[vie et fonctionnement d'une image entrant dans un corps à un certain moment de l'histoire]
les femme sont "belles" quand elles sont stars photographiées par des photographes obéissants
les cuisines sont belles quand elles sont lavées avec Meister Proper
les pays sont beaux quand on veut te vendre des vacances de rêve
les peintures sont belles quand elles se vendent au dessus du million
comment regarder encore du beau ?
comment produire encore du beau ?
dans cette société-ci
je crois qu'il existe des contextes humains où le beau donne du sens ? mais ici-maintenant, il supprime encore du sens
[vie et fonctionnement d'une image entrant dans un corps à un certain moment de l'histoire]
finalement la douceur colle, m'empêtre, la beauté me ramollit
il y faudrait un petit nerf incontrôlable frémissant sous la peau du beau
comme un muscle dans un visage calme
trahissant les bêtes secrètes immobiles sous la surface
[vie et fonctionnement d'une image entrant dans un corps à un certain moment de l'histoire]
qu'est-ce que ça fait dans un corps?
un paysage qui perd sa couleur ?
ce n'est pas une lumière de brouillard ?
ce n'est pas la lumière de l'été ?
et ce n'est pas autre chose non plus ?
rien de connu
alors il faut que la pensée invente !
mais si la pensée doit inventer, ce n'est pas le beau
car
LE BEAU EST CONNU, RECONNU, ACCEPTE PAR TOUT LE MONDE !
[vie et fonctionnement d'une image entrant dans un corps à un certain moment de l'histoire]
un peu de nuit, une pointe de couteau du piment de l'angoisse
mais pas trop?
Ne pas déranger !
la beauté parfaite serait une entrée soft dans toutes les âmes de l'univers?
pour une entrée toute en douceur érotique, et sans effort dans le corps
ne déranger aucune habitude et toucher à l'idéal
un paysage comme je l'aimerais en me souvenant de mes dernières vacances
un peu d'orage pour l'adrénaline
mais surtout quand je suis bien au sec dans une maison
à la frontière du ralentissement
je me pose une fois de plus la question du beau
et me vois une fois de plus terriblement méfiant
mais je dois passer outre !
mais dans certains moments de ralentissement et d'inquiétude
difficile de jouer avec la violence, avec la mort
alors je cherche dans mon souvenir des livres que je pourrais lire là, immobile sur mon lit
[vie et fonctionnement d'une image entrant dans un corps à un certain moment de l'histoire]
[vie et fonctionnement d'une image entrant dans un corps à un certain moment de l'histoire]
[vie et fonctionnement d'une image entrant dans un corps à un certain moment de l'histoire]
ils sont tes outils pour vivre
[vie et fonctionnement d'une image entrant dans un corps à un certain moment de l'histoire]
ils sont tes outils pour lutter - très-très loin du loisir culturel insipide
[vie et fonctionnement d'une image entrant dans un corps à un certain moment de l'histoire]
mais ce que tu peux faire avec?
[vie et fonctionnement d'une image entrant dans un corps à un certain moment de l'histoire]
le corps immobilisé - la pensée jouit de se mouvoir
l'attente, la lenteur, l'inquiétude
la pensée ne peut se satisfaire de moins que sa véritable fonction de survie
[vie et fonctionnement d'une image entrant dans un corps à un certain moment de l'histoire]